L’intelligence émotionnelle de l’enfant : quand le cœur aide le cerveau à raisonner
Comprendre comment émotions et pensée marchent main dans la main
.
On croit souvent que pour réfléchir, il faut mettre les émotions de côté.
Pourtant, les neurosciences montrent exactement l’inverse : raison et émotion fonctionnent ensemble.
Chez l’enfant, cette alliance est encore plus étroite, car son cerveau émotionnel se développe bien avant son cerveau logique.
Apprendre à gérer ses émotions, c’est donc aussi apprendre à penser, à décider, à comprendre le monde.
1. Le choix, une compétence qui s’apprend
« Entre deux pulsions, la liberté consiste à choisir. » – Boris Cyrulnik
Le choix paraît simple pour un adulte : réfléchir, comparer, décider.
Mais pour un enfant, chaque décision demande une coordination complexe entre plusieurs zones cérébrales.
Trois grandes fonctions sont en jeu :
- L’inhibition – résister à la tentation immédiate.
- La mémoire de travail – garder plusieurs informations en tête pour peser les options.
- La flexibilité cognitive – changer de stratégie quand la première ne marche pas.
Ces trois piliers forment ce que les psychologues appellent les fonctions exécutives : le “quartier général” du cerveau.
Elles dépendent du cortex préfrontal, qui ne sera totalement mature qu’à… 25 ans !
➡️ Les enfants de 3 à 5 ans ont une inhibition encore fragile : ils savent ce qu’il faut faire, mais leur cerveau ne peut pas encore freiner une impulsion.
➡️ Vers 7 ans, ils commencent à anticiper les conséquences d’un choix simple.
➡️ À l’adolescence, la recherche du plaisir (dopamine) prend parfois le dessus sur la réflexion : c’est normal, le cortex préfrontal est encore en phase d’ajustement.
Les décisions “illogiques” des enfants ne sont donc pas de la mauvaise volonté, mais un signe de maturation en cours.
2. Dans le cerveau du choix : duel entre émotion et raison
Chaque décision engage un dialogue entre deux systèmes :
- le système limbique, rapide, émotionnel, orienté plaisir ;
- le cortex préfrontal, lent, rationnel, orienté objectifs.
Chez l’enfant, le premier parle plus fort que le second.
La tentation (“je veux un bonbon maintenant !”) s’impose avant la réflexion (“si j’attends, j’en aurai deux”).
C’est le fameux test du marshmallow, expérience célèbre où l’on observe les capacités d’attente des enfants.
Les neuroscientifiques ont montré que les enfants capables de patienter activent davantage leur cortex préfrontal dorsolatéral,
alors que ceux qui cèdent à l’impulsion ont une activité dominante dans l’amygdale (émotion).
➡️ Le “cerveau du choix” apprend donc à équilibrer émotion et raison : c’est un entraînement quotidien.
“Décider, c’est s’autoréguler” Dr Anne Keller, neuropsychologue
Q : Pourquoi les enfants ont-ils tant de mal à se décider ?
Parce que la décision demande une régulation émotionnelle.
Pour choisir, il faut tolérer l’incertitude, supporter le délai, renoncer à une option — autant d’exercices difficiles pour un cerveau jeune.
Q : Comment les parents peuvent-ils les aider ?
En donnant des occasions de choisir sans les surcharger.
Proposer deux options (“Tu préfères le pull bleu ou le rouge ?”) entraîne la prise de décision, tout en donnant un cadre rassurant.
3. Le test du marshmallow : une leçon de patience
Dans les années 1970, le psychologue Walter Mischel a proposé à des enfants de 4 ans un défi simple :
ils pouvaient manger un marshmallow tout de suite, ou attendre 15 minutes pour en avoir deux.
Les enfants qui ont su attendre ne sont pas “plus sages”, mais leurs cerveaux avaient déjà développé une meilleure maîtrise de l’inhibition.
Des études de suivi ont montré qu’ils avaient, plus tard, une meilleure attention et gestion du stress.
Cependant, les neurosciences récentes nuancent :
la réussite dépend aussi du contexte émotionnel et de la confiance.
Un enfant qui a vécu des promesses non tenues aura moins de raisons d’attendre.
➡️ Décider, ce n’est pas qu’une affaire de volonté : c’est une question de sécurité affective.
Aider son enfant à apprendre à choisir
- Donner le droit à l’erreur.
Un choix imparfait reste une expérience d’apprentissage. - Valoriser la réflexion.
“Tu as pris le temps de réfléchir, bravo” vaut mieux que “Tu as bien choisi”. - Introduire la notion de délai.
Jouer avec l’attente (“On attend 5 minutes et on recommence”) renforce l’autorégulation. - Utiliser les jeux de société.
Ils entraînent la planification, le tour de rôle et la flexibilité cognitive. - Modéliser la prise de décision.
Exprimez vos propres choix à voix haute : “J’hésite, mais je vais réfléchir avant de décider.”
4. Ce que disent les neurosciences : le cerveau du futur
Le développement des fonctions exécutives est aujourd’hui l’un des domaines les plus étudiés en psychologie cognitive.
Les chercheurs ont montré que :
- Ces fonctions prédisent mieux la réussite scolaire que le QI.
- Elles se renforcent par le jeu libre, la musique, la lecture et la pleine conscience.
- L’environnement affectif (sécurité, encouragements) améliore la connectivité entre les zones préfrontales et limbiques.
« L’autorégulation est le socle de toutes les compétences : sociales, scolaires, émotionnelles. » – Adele Diamond
Ainsi, apprendre à choisir, c’est bien plus que décider :
c’est apprendre à se contrôler, à planifier, à comprendre les conséquences — bref, à devenir acteur de sa vie.
5. Pour les parents : accompagner sans diriger
Les décisions sont des occasions d’autonomie.
Mais encore faut-il laisser à l’enfant la possibilité de s’exercer.
- Offrir des choix encadrés.
Deux options simples, pas dix. Trop de liberté bloque plus qu’elle ne libère. - Éviter les menaces.
“Décide, sinon je décide pour toi” supprime la confiance dans le processus. - Soutenir le raisonnement.
“Qu’est-ce qui t’a fait choisir cela ?” encourage la métacognition, c’est-à-dire la réflexion sur sa propre pensée. - Valoriser la patience.
Chaque moment d’attente est un entraînement du cortex préfrontal.
Conclusion : grandir, c’est apprendre à se choisir
Choisir, c’est apprendre à se connaître.
Chez l’enfant, la décision n’est pas un acte spontané, mais un entraînement cérébral et émotionnel.
À chaque choix, il apprend à équilibrer désir et raison, plaisir et responsabilité.
Et c’est dans le regard bienveillant de l’adulte qu’il découvre que décider, ce n’est pas faire plaisir ou obéir,
mais oser penser par soi-même.
« L’autonomie, ce n’est pas faire seul, c’est savoir pourquoi on agit. »

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